Par La Rédaction
Le décès d’Alain Christophe Traoré, alias Alino Faso, activiste burkinabè détenu depuis janvier 2025 à l’École de gendarmerie d’Abidjan, continue de faire des vagues. Retrouvé pendu dans sa cellule le 24 juillet, son décès, selon les autorités ivoiriennes, résulte d’un suicide précédé d’une tentative d’auto-mutilation. Mais au lieu d’attendre les conclusions de l’enquête médico-légale et judiciaire ouverte en Côte d’Ivoire, le Burkina Faso a préféré engager une posture diplomatique agressive, convoquant la chargée d’affaires ivoirienne et dénonçant une procédure perçue comme « méprisante ».
Un décès encadré par la procédure judiciaire
En Côte d’Ivoire, la mort d’un détenu n’est jamais prise à la légère. Dès l’instant où Alino Faso a été retrouvé pendu, le procureur compétent a ordonné une autopsie, et une enquête a été ouverte. Le rapport préliminaire du médecin légiste conclut à un suicide, appuyé par des marques de mutilation antérieures à la pendaison. Le corps reste juridiquement et médicalement disponible pour tout nouvel examen que pourrait ordonner le parquet. Dans ce contexte, parler d’un « mépris » envers la famille ou d’un « manque de considération » diplomatique, comme l’avance le Burkina Faso, semble ignorer les réalités et obligations d’une enquête en cours.
Un voisinage qui devrait favoriser la coopération, pas la surenchère
La Côte d’Ivoire et le Burkina Faso partagent bien plus que des frontières : des familles, une histoire, une diaspora commune. Dès lors, on peine à comprendre pourquoi Ouagadougou, au lieu de faire appel à son ambassadeur en poste à Abidjan pour établir les faits avec précision, a préféré convoquer en urgence la chargée d’affaires ivoirienne à Ouagadougou et publier un communiqué lourd de reproches.
Extrait du communiqué officiel burkinabè :
« Il y’a beaucoup de mépris, un manque d’égard et de courtoisie pour les autorités et le peuple burkinabè, et ça l’est encore plus pour la famille du défunt qui découvre une nouvelle aussi douloureuse sur les réseaux sociaux. »
(SEM Karamoko Jean Marie Traoré, ministre des Affaires étrangères, 28 juillet 2025)
Une déclaration qui soulève plusieurs interrogations. Pourquoi tant de précipitation dans la dénonciation, alors que la confirmation du décès venait tout juste d’être obtenue par les canaux diplomatiques ? Pourquoi faire de cette affaire un foyer de tension bilatérale, alors qu’aucun obstacle ne s’oppose à une collaboration judiciaire et médicale ? Le Burkina Faso a un ambassadeur à Abidjan, qui aurait pu diligenter discrètement et efficacement les premières vérifications.
Une demande de rapatriement qui interroge
Dans son communiqué, le chef de la diplomatie burkinabè réclame le rapatriement immédiat du corps de son compatriote, tout en exigeant que « toute la lumière soit faite » sur les circonstances du drame. Cette double exigence est contradictoire : comment mener une enquête rigoureuse si le corps, principal élément de preuve dans les affaires de décès en détention, est précipitamment transféré hors du territoire de compétence judiciaire ?
En droit, toute autorité compétente peut ordonner un nouvel examen, une contre-autopsie ou une expertise complémentaire. Encore faut-il que le corps soit disponible, non déplacé, et préservé dans des conditions appropriées. Une collaboration bilatérale serait ici plus judicieuse qu’un affrontement. La Côte d’Ivoire n’a nullement refusé l’accès au corps ni interdit la participation d’observateurs burkinabè à la procédure. Encore faut-il qu’une telle volonté de coopération soit formulée.
Un activisme politique qui ne justifie pas l’agitation diplomatique
Alino Faso n’était pas un détenu anodin. Activiste connu pour ses prises de position virulentes, il faisait l’objet d’une enquête pour intelligence avec une puissance étrangère et espionnage. Il avait été déchu de la nationalité ivoirienne. Mais sa mort ne saurait être traitée ni par la Cote d’Ivoire comme une affaire banale, ni par le Burkina comme un instrument politique. Tout porte à croire que la justice ivoirienne agit selon les règles. Et si le Burkina Faso veut véritablement honorer la mémoire de son ressortissant, il devrait mettre ses énergies au service de la vérité — pas du chantage diplomatique.
Une question de méthode et de confiance
Ce que cette affaire révèle, c’est une fracture dans la gestion émotionnelle de drames transfrontaliers. Le respect des procédures, la recherche de la vérité, la sauvegarde des relations bilatérales exigent du sang-froid, de la méthode, et non des gesticulations médiatiques. Le Burkina Faso, s’il souhaite connaître toute la vérité, devrait envoyer une commission d’experts, collaborer avec la justice ivoirienne, et éviter de transformer ce drame en fond de commerce politique.
Le respect dû à Alino Faso commence par là.
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