La création de la Zone AES (Alliance des États du Sahel) s’inscrit d’abord dans un contexte d’urgence sécuritaire. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont confrontés à une menace djihadiste persistante qui fragilise leurs institutions, leur tissu social et leur économie. Face à l’inefficacité perçue des cadres sécuritaires régionaux et internationaux, les trois pays ont décidé de prendre en main leur propre sécurité collective.
Une insécurité devenue structurelle
Depuis plus de dix ans, le centre et le nord du Mali, l’est du Burkina Faso et le sud-ouest du Niger sont la cible de groupes armés affiliés à Al-Qaïda ou à l’État islamique. Ces groupes s’en prennent aux populations civiles, aux forces de sécurité et à l’administration locale. Malgré la présence d’opérations internationales (Barkhane, MINUSMA, G5 Sahel), les États peinent à contrôler leurs territoires.
La fin de la coopération militaire classique
Entre 2021 et 2023, les régimes militaires au pouvoir dans les trois pays ont rompu progressivement leur coopération sécuritaire avec les partenaires occidentaux, en particulier la France. Les bases militaires françaises ont été démantelées, les accords de défense dénoncés, et les opérations internationales, comme la MINUSMA au Mali, ont été suspendues ou expulsées.
La mutualisation des forces armées
En lieu et place, les trois pays ont annoncé la constitution d’une force conjointe AES, chargée de mener des opérations coordonnées contre les groupes terroristes à leurs frontières communes. Cette force s’inspire des coopérations militaires classiques, mais veut aller plus loin : partage de renseignements, entraînements communs, logistique mutualisée.
Des alliances géostratégiques nouvelles
Le repositionnement sécuritaire s’est accompagné de nouveaux partenariats militaires, notamment avec la Russie, à travers le Groupe Wagner (devenu Africa Corps), mais aussi la Turquie, l’Iran ou encore certains pays asiatiques. Ce virage stratégique reflète une volonté de diversification et d’émancipation vis-à-vis des anciennes puissances partenaires.
La réhabilitation du rôle des armées nationales
La Zone AES s’appuie sur une idéologie selon laquelle l’armée est un acteur politique et protecteur, au service de la nation. Cette approche rompt avec les modèles démocratiques classiques, mais bénéficie d’un fort soutien populaire dans les trois pays, où les armées sont perçues comme les dernières institutions crédibles face au chaos sécuritaire.
Un projet militaire… et politique
Derrière l’architecture militaire, c’est un projet politique d’union par la souveraineté et la sécurité qui se dessine. Le discours officiel valorise une Afrique qui se protège seule, une coopération horizontale entre pays sahéliens, et une autonomie stratégique à long terme.
La Zone AES est donc, pour l’instant, une alliance militaire avant tout. Reste à savoir si cette base sécuritaire pourra évoluer vers une intégration économique et politique plus durable, ou si elle restera une coalition de circonstance face au terrorisme.
Leave a comment