Il y a des semaines où l’histoire d’un pays s’écrit non pas par des ruptures soudaines, mais par des résonances subtiles entre des événements à première vue sans lien, mais porteurs d’un même souffle. Cette semaine du 1er juin 2025 restera dans les mémoires comme celle d’une Côte d’Ivoire en mouvement — une Côte d’Ivoire plurielle, nourrie de contradictions fécondes : entre hommage et ferveur, entre traditions mystiques et choix économiques, entre ambitions continentales et douleurs familiales.
Au Parc des Expositions d’Abidjan, le SARA 2025 s’est achevé sous le sceau de la souveraineté alimentaire. L’Afrique agricole y a affiché sa volonté de rompre avec la dépendance, de transformer localement, d’innover dans le respect des sols et des savoirs. La présence de la Chine comme invité d’honneur n’a pas occulté l’essentiel : une génération d’agriculteurs, de chercheurs et d’entrepreneurs ivoiriens croit en la terre comme pilier du développement national. Il s’agissait moins d’un salon que d’un manifeste.
Au même moment, Ousmane Sonko foulait le sol ivoirien. Le Premier ministre sénégalais, figure clivante chez lui, a trouvé à Abidjan une capitale apaisée et ouverte. Sa visite, ponctuée de rencontres stratégiques et de gestes symboliques — notamment à Bouaké — a illustré un panafricanisme pragmatique, débarrassé des oripeaux idéologiques. Un signe des temps. L’Afrique politique se regarde à nouveau dans le miroir de ses possibles.
Et pendant que les projecteurs se braquaient sur les sommets, une lettre inattendue venue des profondeurs culturelles du pays affolait la toile. Le président des Dozos de Côte d’Ivoire, Yssouf Ouattara, revendiquait un rôle mystique dans la victoire historique du PSG en Ligue des Champions. Folklore ? Superstition ? Ou peut-être un clin d’œil bien réel à cette Côte d’Ivoire qui, dans ses traditions, puise encore des forces que les calculs rationnels peinent à expliquer. Même l’ambassade de France, dans un tweet à double sens, semblait accréditer cette narration mystique. Après tout, pourquoi refuser aux esprits ce que le football moderne n’arrivait plus à conquérir depuis des décennies ?
Mais la semaine ne fut pas que fête. À Séguéla, le pré-congrès du RHDP s’est transformé en veillée mémorielle. Amadou Soumahoro et Hamed Bakayoko, deux bâtisseurs du parti, ont été honorés avec émotion. Et comme pour mieux ancrer cette commémoration dans le présent, la nouvelle du décès de Zoumana Bakayoko, frère aîné d’Hamed, a assombri la journée. Quatre ans après la disparition de son cadet, la famille Bakayoko paie un tribut lourd, rappelant à tous que derrière les carrières politiques, il y a des hommes, des liens, des silences.
Non loin, l’opposition tentait de se réunir, d’ébaucher une stratégie face à une présidentielle qui approche à grands pas. Le chemin reste étroit, fragmenté, incertain. Mais le simple fait de se parler à nouveau, de vouloir une alternative, est déjà en soi un acte démocratique.
Et puis, au niveau continental, la désignation du nouveau président de la Banque africaine de développement est venue rappeler que l’Afrique ne se contente plus d’attendre l’aide. Elle veut décider, piloter, financer. Cette nouvelle ère économique, dans laquelle la Côte d’Ivoire joue un rôle central, replace Abidjan non seulement comme une capitale régionale, mais comme l’un des centres nerveux de l’Afrique moderne.
Joie, espoir, pleurs, espérance. La semaine ivoirienne aura été tout cela à la fois. Elle nous enseigne que la force d’une nation ne réside pas dans l’uniformité des événements, mais dans la capacité de son peuple à tenir ensemble la douleur des séparations, la foi dans ses traditions, la fierté de ses victoires et la lucidité face à l’avenir. C’est cette tension féconde qui fait de la Côte d’Ivoire un pays profondément vivant.
Par La Rédaction
Leave a comment