Destitution De Morsi : Quelle Egypte Pour Demain ?

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Pourquoi l’Egypte a-t-elle toujours exercé une fascination infinie sur les intellectuels arabo-musulmans ? Tout simplement, en raison de sa civilité et de sa capacité à surmonter les pires difficultés. La réalité socio-politique de ce pays vient, depuis le 3 juillet, de le démontrer, une fois de plus.

Pour éviter à l’Egypte de sombrer dans la rébellion violente et la guerre civile, l’armée egyptienne, par la voix de son chef, le Général Abdel Fattah al-Sissi, a pris ses responsabilités historiques en destituant le président Mohamed Morsi. Ainsi, l’armée ouvre une nouvelle ère de transition politique, courte, afin de remettre le pays, grâce à une nouvelle Constitution, plus cohérente et solide, sur les rails de la démocratie. Peu importent les raisons occultes invoquées par l’armée pour justifier son intervention sur la scène politique égyptienne : ce qui était en jeu, c’est la paix civile. Certes, la légitimité et la légalité sont les deux pôles de la vie politique de toute nation. Mais face à celui qui comptait se proclamer « le dictateur perpétuel de l’Egypte », l’armée a vite compris que, bien qu’il fût un gouvernement légitime, le régime Morsi avait perdu toute légitimé du fait de son impuissance politique. Un gouvernement qui viole systématiquement, comme celui de Morsi, la Constitution du pays en faisant bon marché de la liberté et de la vie des citoyens, en vertu d’une doctrine religieuse ou raciale, est tenu pour illégitime, quelles que soient les acclamations populaires douteuses dont il puisse continuer à bénéficier au sein d’une frange de l’opinion nationale. Un pouvoir légitime est d’abord un pouvoir capable d’assurer le respect et l’obéissance de tous les membres de la communauté nationale à l’égard des décisions qu’il prend. Or, Morsi croyait tenir une couronne de Dieu, et non du peuple égyptien qui l’avait pourtant élu, il y a juste un an. Le régime Morsi était devenu illégitime, puisqu’il était désavoué par la majorité des Egyptiens, y compris par des gens qui lui avaient accordé leurs suffrages.
La véritable légitimité démocratique est facteur de stabilité et d’ordre. D’ailleurs, tout le monde constate que le peuple égyptien, dans son immense majorité, adhère à la feuille de route que les acteurs civils de la transition devront mettre en œuvre. Les Egyptiens sont soulagés : l’armée a sauvé la Nation sans ouvrir le feu sur les anti ou les pro-Morsi. Et si elle n’a pas voulu s’accaparer le pouvoir d’Etat, c’est parce que, contrairement au séditieux Morsi, l’armée à compris que la société égyptienne a profondément changé et que le peuple aspire ardemment à l’instauration d’un Etat de droit moderne. Or, l’Egypte dont Morsi rêvait ressemblait, de jour en jour, à une société stationnaire, caractérisée par une dictature religieuse, l’immobilité sociale, la pauvreté économique et la stagnation des esprits. Au sein de tout Etat, le sectarisme religieux favorise le déclin de la citoyenneté et nuit gravement au bon fonctionnement d’un pays qui se veut moderne.

Après la destitution de Morsi, quel avenir pour la nouvelle Egypte ? Evidemment, les défis à relever par le successeur de Morsi sont immenses, et ce, sur tous les plans : politique, économique, social et culturel. La future Constitution devra être débarrassée des zones grises qui ont favorisé, voire facilité les dérives du régime Morsi. Très clairement, elle devra faire revêtir ici à la religion, un habit démocratique. Car, l’Islam égyptien, comme le christianisme copte, peuvent et doivent, avant tout, rendre les Egyptiens bons citoyens. Ce qui signifie que, la nouvelle Constitution, tout en assurant la pérennité du fait islamique dans la société démocratique égyptienne, doit également garantir la séparation des pouvoirs spirituel et temporel. Certes, l’Egypte vient, de nouveau, d’emprunter une « voie révolutionnaire » pour bâtir un Etat de droit. Le pays entre donc dans une ère de refondation démocratique, laquelle exigera un large consensus, un large compromis social et politique. Seul un tel consensus national peut conduire les Egyptiens vers une réconciliation authentique.
Le peuple égyptien doit, enfin, comprendre que les révolutions, comme aimait à le dire Tocqueville, sont rares chez les peuples démocratiques. Car, disait-il, « la société démocratique, quand elle est stabilisée, s’aime trop elle-même pour se risquer dans l’aventure d’une remise en cause. L’homme démocratique ne désire pas les révolutions, il les craint ». Avec la nouvelle Egypte en construction, il faudra que le peuple sache que le moment est venu pour lui de refermer la « parenthèse révolutionnaire ». Le peuple égyptien vient de montrer, contrairement à ce qui se passe en Afrique subsaharienne, qu’une fois la dynamique de la démocratie enclenchée dans une société acquise à ses valeurs, il est impossible de s’arrêter à mi-chemin. Sur le plan économique et social, le Général Al-Sissi, dans sa déclaration, a mis l’accent sur le rôle de la jeunesse dans l’Egypte de demain. Or, c’est une jeunesse bien éduquée, innovante, pleine d’énergie vivante, qui, malheureusement, reste confrontée à un chômage massif, une misère matérielle endémique.

Cette nouvelle génération post-révolutionnaire qui vient de monter sur la scène de l’histoire, en proie à la mélancolie et au désespoir, ne la quittera plus. C’est dire que le futur président devra mettre en œuvre de vraies politiques de distribution et de partage des richesses nationales. En termes précis, il devra « démocratiser » l’économie égyptienne, totalement phagocytée par l’armée. Sinon, l’unité de la jeunesse égyptienne derrière cette armée dont elle se sent fière, volera en éclats.
Sur le plan culturel, la Vallée des Pharaons doit redevenir une terre des arts, de la science et de la connaissance. Sur ce terrain proprement dit, la politique des Frères musulmans était en train de mettre le pays sur la voie d’un obscurantisme intellectuel et culturel sans précédent dans l’histoire de l’Egypte, ce qui aurait eu comme conséquence de faire de la société égyptienne, une société monolithique, voire totalitaire. Heureusement, cette politique suicidaire n’a pas résisté aux épreuves de la rue et du temps.

Comme on peut le constater, le présent de l’Egypte est gros de l’avenir. Ces défis ne sont pas insurmontables. Pour les relever, il suffira tout simplement, au futur chef de l’Etat, d’unir autour de lui la nation égyptienne au-dessus de tout ce qui la divise. Mais on n’attend pas de lui qu’il se comporte en homme providentiel. L’essentiel est qu’il puisse prendre à bras le corps, grâce à un jugement politique rigoureux, la souffrance et les intérêts supérieurs du peuple égyptien. S’il réussit ce pari, cette fois-ci, l’on pourra, enfin, se réjouir de la renaissance démocratique réelle de l’Egypte. Et l’image internationale du pays, ternie sous l’ère Morsi, se redressera, faisant de l’Egypte, de nouveau, une terre d’espérance, de convivialité et de tolérance.

Non, il ne faut pas craindre le pire, en Egypte, suite à la destitution de Morsi, cet homme qui avait forgé toute sa vision de la politique et surtout de la démocratie, uniquement à partir d’une interprétation et d’une lecture complètement tronquées des textes coraniques. En définitive, Morsi, dans sa chute, ne doit s’en prendre qu’à lui-même.

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