Identification Des Restes De Thomas Sankara : La Justice Burkinabè Se Déclare Incompétente

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La chambre civile du Tribunal de grande instance (TGI) de Ouagadougou, après avoir plusieurs fois renvoyé le délibéré, s’est déclarée incompétente en son audience du 30 avril 2014 quant à l’assignation en reconnaissance officielle du lieu de la sépulture de Thomas Sankara, demandée par les ayants droit de ce dernier.

Va-t-on excaver la tombe de Dagnoën pour vérifier si les restes du capitaine Thomas Sankara s’y trouvent effectivement ? La salle du TGI était pleine de monde, venu écouter le verdict. La déception pouvait se lire sur les visages lorsque le TGI s’est déclaré incompétent, annonce qui a valu une suspension de séance. En effet, ceux qui étaient venus pour le verdict se sont bruyamment retirés, après avoir traité la Justice burkinabè de tous les noms d’oiseaux et chanté le Ditanyè, la décision étant inconcevable, selon eux. « Le TGI de Ouagadougou estime qu’il ne peut pas juger cette affaire. Les dispositions sont les mentions légales qui ont été soulevées, notamment l’article 21 qui porte organisation de nos juridictions au Burkina Faso, les articles 192, 193 et 194 du Code de procédure civil. Mais, comme vous l’avez noté, c’est un dispositif, on n’a pas les motivations du juge. Ce qui veut dire que nous ne pouvons pas, en l’état actuel, tirer toutes les conséquences de la décision, sauf à nous pourvoir en appel. C’est une voie légale qui s’offre à nous qui ne sommes pas du tout contents de cette décision », a expliqué Me Bénéwendé Sankara, l’un des avocats de la famille de Thomas Sankara.
Selon Serges Bambara dit Smokey, figure emblématique du mouvement « Le Balai Citoyen », la décision était prévisible car il y avait 99% de chances que ce dossier soit rejeté d’une manière ou d’une autre. « Même si on le sait déjà, ça choque profondément de savoir que cette Justice est incapable de rendre le droit aux citoyens. De toute façon, le système ne sciera jamais la branche sur laquelle il est lui-même assis », a-t-il estimé. Il reste néanmoins optimiste car le bout du tunnel n’est pas loin, selon lui, car les gens sont de plus en plus décidés à ce que justice se fasse dans ce pays. « C’est quand même malheureux de le constater sur le terrain. Une Justice aux abois qui n’est pas à l’honneur du symbole que nous avons choisi pour le Burkina Faso, c’est-à-dire l’intégrité », a-t-il ajouté. Et de conclure qu’il préfère que la Justice prenne ses responsabilités plutôt que ce soit le peuple qui se fasse justice lui-même. « Il est de bon ton que la Justice burkinabè joue enfin le rôle qui lui est assigné », a-t-il lancé.
Dans la même veine, Barthélémy Nikièma, président de l’association « Génération Thomas Sankara », estime que « si la Justice est incapable de nous donner gain de cause, cela signifie que c’est une Justice aux ordres ». Abdoulaye Kaboré du mouvement « Le Balai Citoyen » se pose, quant à lui, des questions. Si la Justice burkinabè se dit incompétente pour juger cette affaire, qui donc l’est ?, s’interroge-t-il. Et de lancer que la Justice a intérêt à revoir sa position avant que le peuple ne se décide à chercher lui-même la solution.
La déception et l’incompréhension qui prévalaient après le verdict du TGI étaient aussi partagées par les avocats de la famille Sankara. Me Ambroise Farama a estimé que le tribunal n’a pas eu le courage de dire le droit. « Ils se sont déclarés incompétents sur la base de l’article 21 portant organisation judiciaire au Burkina Faso, et pourtant cette disposition est assez claire (…). C’est donc un faux problème, un faux débat que de dire : le TGI n’est pas compétent pour cette affaire », a-t-il estimé. Et d’expliquer que la preuve est que quelques minutes avant de se déclarer incompétent, le TGI a rendu des décisions sur la recherche de paternité. « Des tests ADN ont été demandés à des personnes pour identifier s’ils sont pères d’un tel oui ou non. Le Tribunal, dans les mêmes décisions qu’elle a rendues ce 30 avril, s’est déclaré compétent et a demandé des expertises. Mais pourquoi dans ce cas, le même tribunal se déclare-t-il incompétent ? Est-ce qu’il ne s’agit pas des mêmes questions de droit, des mêmes questions de test ADN ? », a-t-il lancé.
En rappel, c’est en octobre 2010 que les enfants de Thomas Sankara, Philippe et Auguste, et sa veuve Mariam Sankara avaient assigné l’Etat burkinabè à la reconnaissance officielle de la tombe du capitaine Sankara. Le délibéré dudit dossier avait été, entre autres, rabattu le 5 mars et le 2 avril 2014.

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