Médiation Ivoirienne Dans La Crise Burkinabé : Ado Dans L’embarras

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On se rappelle qu’en début d’année, le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara (ADO), avait dépêché à Ouagadougou une délégation de haut niveau, conduite par le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, pour essayer de voler au secours de son ami et frère Blaise Compaoré, dont le parti était pris dans une bourrasque, aux fins de recoller les morceaux de ce qui pouvait l’être encore. Mais faute de compromis entre les protagonistes, les Burkinabè apprendront, presqu’à la surprise générale, la démission de 75 membres du bureau politique du CDP, dont des cadres tels Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo et Simon Compaoré, le 4 janvier 2014. Il était même question que ADO reçoive ces têtes de proue des démissionnaires à Abidjan, début février, pour essayer de leur faire entendre raison.

Entre-temps, la situation a beaucoup évolué au Burkina

Finalement, cette entrevue n’aura pas lieu (et on se demande si elle n’est pas renvoyée aux calendes grecques) parce qu’entre-temps, le président ivoirien a dû se rendre en France pour raison de santé. Il est rentré le dimanche 2 mars dernier, après presque un mois d’absence.
Le 4 mars, le président burkinabè effectuait le déplacement d’Abidjan pour une visite d’amitié et de travail à son homologue ivoirien. Au nom de l’amitié, Blaise Compaoré s’est rendu chez ADO pour s’enquérir de son état de santé afin de constater de visu comment son ami se remet de sa sciatique. Cela, après que son épouse Chantal Compaoré a été au chevet du même malade lors de son internement parisien, toute chose qui démontre à souhait la force des relations qui lient les deux hommes.

Dans le cadre du travail, étaient au menu des échanges entre Blaise Compaoré et ADO, des sujets entrant dans le cadre de la coopération bilatérale, notamment du traité d’amitié Côte d’Ivoire – Burkina Faso, ainsi que des questions sous-régionales et internationales, en l’occurrence les questions de sécurité et de paix dans la bande sahélo-saharienne.
Même si face à la presse, les deux présidents n’ont pas évoqué l’actualité brûlante de la situation politique interne au Burkina, l’on s’imagine difficilement que Blaise ait pu, au nom de l’amitié, aller s’enquérir de l’état de santé d’un ADO visiblement ému par une telle démarche, sans qu’au nom de cette même amitié, ce dernier ne demande à son frère Blaise « comment ça va chez toi ? »
Et comme entre-temps, la situation a beaucoup évolué au Burkina, on se demande si ADO, dans sa tentative de médiation dans ce qui était au départ une crise au sein du parti présidentiel mais qui, aujourd’hui, a pris une envergure nationale, n’est pas dans une mauvaise posture.
Nonobstant son amitié avec Blaise Compaoré, ADO pourra-t-il, si le sujet était abordé, lui tenir un langage allant dans le sens d’une possible renonciation à sa volonté de modifier la Constitution burkinabè pour briguer un autre mandat, lui qui a une image de démocrate à préserver, ou bien le confortera-t-il dans sa démarche en l’assurant de son soutien inconditionnel et indéfectible ?

Les dés semblent bel et bien jetés

Par devoir de reconnaissance pour le rôle majeur que Blaise Compaoré a joué dans le dénouement de la crise ivoirienne, ADO serait heureux de lui renvoyer l’ascenseur, et de lui sauver la mise dans un scénario qui le satisfait entièrement.
Mais sa posture est d’autant plus difficile que depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts du fleuve Kadiogo, même en cette période de saison sèche, et on ne voit pas comment le président Ouattara pourrait y nager à son aise avec sa bouée de sauvetage. En effet, non seulement les frondeurs ont créé leur parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), consacrant de fait et de façon définitive la rupture avec le CDP, mais aussi leur discours s’est davantage musclé sur le terrain à l’encontre de Blaise Compaoré et de son parti. Lors de leur récent meeting à Bobo-Dioulasso, le 1er mars dernier, ils ont réaffirmé haut et fort leur détermination à opposer un niet catégorique à la mise en place du Sénat et à la modification de l’article 37 visant à permettre à Blaise Compaoré de se présenter à l’élection présidentielle de 2015, fût-ce au prix de leur vie. Si fait qu’aujourd’hui, l’on a le sentiment que les positions se sont radicalisées, et l’on ne voit pas comment le MPP pourrait faire machine arrière, d’autant plus que d’une part, ses militants sont en train de subir la fatwa du CDP, mais d’autre part, ils sont ragaillardis par les nombreuses adhésions à leur parti ; toute chose qui leur permet de renforcer leur assise sur le terrain.
A l’étape actuelle des choses, les dés semblent bel et bien jetés et c’est tant mieux si cela peut permettre à la démocratie au Burkina, de se renforcer.

 

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