Par Dohotani Yeo | Lementor.net
La Côte d’Ivoire confirme son dynamisme économique avec une croissance estimée à près de 6 % en 2024, un rythme largement supérieur à la moyenne mondiale et régionale. Ce résultat, souligné par le dernier rapport de la Banque mondiale, place le pays parmi les économies les plus performantes d’Afrique subsaharienne et témoigne de la résilience d’un modèle fondé sur des investissements massifs dans les infrastructures, une diversification progressive de la production et un positionnement stratégique au sein de la sous-région ouest-africaine. Le gouvernement peut se prévaloir de cette trajectoire ascendante qui contraste avec la morosité de nombreuses économies voisines, confrontées à la fois à l’instabilité politique, aux aléas climatiques et aux chocs liés au commerce international.
Toutefois, derrière cette performance macroéconomique flatteuse se cachent des fragilités structurelles qui limitent la portée de cette croissance. Le déficit budgétaire, bien qu’en amélioration notable en passant de 5,2 % à environ 4 %, reste un indicateur de vigilance, tout comme la dette publique qualifiée de « soutenable » mais dépendante d’un équilibre fragile entre besoins de financement et capacité de remboursement. Si le pays maintient ses investissements stratégiques et parvient à conserver la confiance des bailleurs, la soutenabilité de la dette ne devrait pas poser de problème immédiat, mais le moindre choc externe pourrait exposer les limites d’un modèle encore dépendant de financements extérieurs.
Le véritable défi se situe dans la mobilisation des recettes fiscales, considérée par la Banque mondiale comme la clé pour transformer la croissance en développement inclusif. Le poids du secteur informel, la faiblesse de la base imposable et les difficultés persistantes à assurer une collecte efficace limitent la capacité de l’État à financer durablement les services publics et à répondre aux besoins sociaux croissants. Sans une réforme fiscale ambitieuse et une lutte déterminée contre l’évasion et la fraude, la dynamique actuelle risque de profiter surtout aux grands acteurs économiques sans se traduire par une réduction significative de la pauvreté ou par un élargissement des opportunités pour les populations vulnérables.
Ce constat interpelle d’autant plus que les attentes sociales sont fortes dans un pays où la jeunesse constitue la majorité de la population et aspire à des perspectives concrètes en matière d’emploi, de formation et de mobilité sociale. La croissance, aussi impressionnante soit-elle, ne suffira pas si elle ne se traduit pas par un mieux-être tangible et partagé. L’enjeu est donc de bâtir un système fiscal moderne, équitable et efficace, capable de transformer la vitalité économique en un véritable moteur de cohésion sociale et de stabilité politique.
La Côte d’Ivoire se trouve ainsi à la croisée des chemins : continuer à célébrer ses succès macroéconomiques ou engager sans tarder les réformes structurelles qui permettront de consolider cette performance et de l’ancrer dans une dynamique de développement durable et inclusif. Le pays dispose d’atouts évidents pour réussir, mais le temps presse, car la solidité des équilibres budgétaires et la paix sociale en dépendent.
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