Par Adama Ouédraogo Damiss
Ils l’ont enlevé.
À 77 ans, Me Hermann Yaméogo, avocat, homme politique de renom, mémoire vivante des luttes politiques burkinabè, a été arraché à sa famille, sans mandat, sans procédure, sans un mot. En pleine lumière. Dans un silence d’église. Comme si l’arbitraire était devenu normal. Comme si l’indignité s’était installée au sommet de l’État et que plus rien ne devait nous choquer.
Son crime ? Avoir parlé. Avoir osé alerter. Avoir dit, avec le poids de l’expérience et la dignité des anciens, que la crise sécuritaire, si elle continue d’être manipulée ou ignorée, pourrait précipiter le pays dans une guerre de libération nationale. Avoir mis en garde. Avoir tendu un miroir à ce régime obsédé par le contrôle, incapable de gouverner autrement que par la peur et l’intimidation.
Ils l’ont fait taire. Comme d’autres avant lui. Comme tous ceux qui osent penser. Tous ceux qui osent espérer. Tous ceux qui refusent la soumission.
Ce régime de capitaines sans courage, ce pouvoir militaire aux allures de milice, s’en prend aux vieux, aux civils, aux voix libres, pendant que les terroristes tuent leurs frères d’armes et les volontaires pour la défense de la patrie ( VDP), paradent dans des villes et osent même y passer du temps autour d’un verre de thé, sous des hangars ou des manguiers. Pendant que des villages entiers tombent dans l’oubli, que des familles fuient, que le pays se vide de ses ressources.
Sur l’image ci-dessous figurent des visages tristement célèbres du terrorisme. Des fils du Burkina Faso, nés sur cette terre qu’ils ont trahie. Ils menacent, ils tuent, ils pillent, ils incendient. Et pourtant, nos vaillants officiers, si prompts à exhiber leur autorité face aux civils sans défense, hésitent à aller les chercher pour leur infliger les sanctions que commande la justice.
Ils détournent leur force de ceux qui sèment la mort, pour la retourner contre un vieillard de 77 ans dont le seul « crime » fut de parler. Parler avec dignité. Parler avec loyauté. Exprimer une opinion, proposer des idées, conseiller ceux qui dirigent.
Quelle ironie tragique. Quand les armes devraient être tournées vers les ennemis de la nation, c’est la voix d’un homme libre qu’on tente de museler.
Ils n’ont ni honneur, ni colonne vertébrale. Ils ne savent bander les muscles que devant des citoyens désarmés. Ils se promènent pour poser des pavés, pour parler d’élevage de porcs, pendant que le territoire s’effondre et que la République se dissout dans la peur.
Ils n’ont rien d’hommes d’État. Ce sont des officiers de la honte, les fossoyeurs d’un rêve national. Ils ont retourné les armes du peuple contre le peuple. Ils ont sali l’uniforme militaire. Ils ont trahi la nation. Et pour cela, ils devront répondre. Tôt ou tard. Devant l’Histoire. Devant la justice. Devant la mémoire de ceux qui sont morts pour une armée digne, pour une patrie debout.
Le cas de Me Hermann Yaméogo n’est pas un simple abus. C’est un acte de terreur d’État. Un avertissement lancé à tous : « Tais-toi ou disparais. » Mais qu’ils sachent une chose : on peut faire taire un homme. On ne fait pas taire un peuple. Pas éternellement. Pas sans retour.
Honte à ceux qui répriment. Honneur à ceux qui résistent. Que Dieu protège Me Hermann Yaméogo. Et que sa voix, même bâillonnée, continue de résonner dans nos consciences comme un cri de vérité que rien ne pourra étouffer.
Bon dimanche à toutes et à tous.
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