Par La Rédaction
Un scandale de plus, mais peut-être celui de trop. À Port-Bouët, la Côte d’Ivoire découvre avec stupeur qu’un homme, se présentant comme marabout, aurait abusé de nombreux mineurs sous couvert de spiritualité et de réussite rapide. Ce fait divers, aussi sordide que choquant, révèle une faille béante dans notre société : l’abandon progressif des enfants à des influences prédatrices, dans une indifférence trop souvent socialement validée.
Depuis des années, les signaux s’accumulent, et pourtant, le système peine à répondre. Le danger ne vient pas seulement d’un individu en particulier, mais de ce que son impunité prolongée traduit : un relâchement des filets de protection sociale, une banalisation du recours au surnaturel pour justifier l’inacceptable, et surtout une culture du silence, voire de la complicité, lorsque l’agresseur est connu ou respecté.
Il est urgent de repenser la protection de l’enfance, non comme un slogan, mais comme une priorité nationale transversale, impliquant familles, écoles, forces de l’ordre, services sociaux, religieux et médias. La prévention ne peut plus être un simple discours moral ; elle doit devenir une infrastructure concrète. Des centres d’écoute et de soins psychologiques doivent être créés, accessibles aux mineurs victimes d’abus, afin de leur permettre de sortir de l’isolement et de retrouver un chemin de reconstruction. L’absence de tels espaces laisse les jeunes livrés à eux-mêmes, pris entre peur de parler et honte d’avoir été trompés.
Dans le même temps, une campagne nationale d’éducation sur le consentement, les risques d’exploitation et les moyens d’alerte s’impose, particulièrement dans les écoles, les lieux de culte, les réseaux sociaux et les médias de masse. Il ne suffit plus de dire que les jeunes doivent être vigilants : encore faut-il leur donner les outils pour l’être.
La loi, elle aussi, doit évoluer. Les sanctions contre les abuseurs doivent être exemplaires et appliquées avec rigueur, sans exception pour les figures d’autorité religieuse ou traditionnelle. La réputation ne peut servir de paravent à la prédation. Il en va de la crédibilité de l’État, mais surtout de la sécurité des plus vulnérables.
Enfin, une mobilisation culturelle est indispensable pour briser les tabous. Trop souvent, la parole des victimes est étouffée par la peur du scandale ou par des injonctions communautaires à “ne pas salir la famille”. Il faut changer ce regard, ouvrir les discussions dans les foyers, réhabiliter la confiance dans les institutions d’accompagnement, et surtout rappeler que dénoncer un crime n’est pas trahir sa culture, mais protéger ses enfants.
L’affaire de Port-Bouët n’est pas un accident isolé. Elle s’inscrit dans une série d’échecs collectifs qu’il faut désormais corriger avec courage. Chaque silence prolongé est une complicité de fait. Chaque tabou maintenu est un boulevard pour les abuseurs. L’avenir d’un pays commence toujours par l’innocence de ses enfants. Et quand cette innocence est bafouée, c’est toute la nation qui vacille.
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