Ces attaquants, appelés communément chasseurs de buts ou artificiers, ont contribué à écrire la passionnante histoire du sport – roi en Côte d’Ivoire.
Ils n’ont pour obsession principale que de marquer des buts, rien que des buts dans n’importe quelle position. Ces chasseurs de buts impénitents, sans cesse attirés par la surface de réparation, ont procuré des moments d’intenses émotions aux sportifs ivoiriens et d’ailleurs. De Konan Yobouët à Yao Kouassi Gervais en passant par Laurent Pokou, Abdoulaye Traoré, Joël Tiéhi, Bakayoko Ibrahim, Ahmed Ouattara, Didier Drogba, Salomon Kalou…, c’est une belle légende qui a du mal à s’estomper.
D’ailleurs, comment serait-ce possible quand l’on sait que depuis trois ans, un garçon comme Bony Wilfried, ne cesse de mettre les puristes à ses pieds. Des Pays-Bas en Angleterre où le niveau du championnat est très relevé, l’ex-sociétaire d’Issia Wazi n’a pas fini d’étaler ses immenses qualités de buteur insatiable. A l’heure du bilan, Bony totalise huit réalisations en 25 journées de Premier League. Son club, Swansea, ne jure que par lui. Une bonne moisson qui fait du jeune international ivoirien, l’une des révélations au terme de la première moitié de la saison 2013-2014. « Pour moi, j’ai encore du chemin à parcourir. Je continue donc de fourbir mes armes en club et en sélection aux côtés de mon aîné, Didier Drogba. Qui est une référence en la matière. », soutient, avec beaucoup d’humilité, Bony. Oui, en Drogba, le sociétaire de Swansea s’est trouvé, tout naturellement, un modèle. Car, depuis plus de sept ans, le sociétaire de Galatasaray est le meilleur attaquant ivoirien. C’est le porte-flambeau comme le furent, par le passé, les pionniers Konan Yobouët et Laurent Pokou.
Un duo à buts
Deux noms qui se confondent avec la gloire du football ivoirien des années 60 à 70. Yobouët et Pokou étaient des virtuoses du ballon rond, des attaquants de race qui perturbaient constamment le sommeil des défenseurs adverses. Ils ont marqué leur époque. Le premier (Yobouët) avait été surnommé « Pelé ivoirien »et qualifié de meilleur footballeur de sa génération. Le second(Pokou), couronné Empereur baoulé ou l’Homme d’Asmara, aura marqué les esprits tant en Afrique qu’en Europe. En somme, ce duo infernal a vécu. En ce qui concerne Konan Yobouët (il est décédé en 2007 à l’âge de 65 ans), sa prestation en finale de la coupe nationale de 1962 reste inoubliable. Une rencontre précédée, quelques jours plus tôt, du décès de son père mais marqué par le doublé de l’attaquant jaune et noir aux dépens du rival légendaire, l’Africa Sports. « J’ai ouvert le score dès l’entame de la partie sur un corner de Paul Kalou », se souvenait-il. Avant de faire chavirer le navire aiglon dans les derniers instants des prolongations, d’une frappe lourde des 25 mètres. « Cette fois, le passeur s’appelle Nénéby Jules. Je n’ai jamais tiré au but aussi fort », indiquait-il, le sourire aux lèvres. Une prestation haut de gamme qui honorait la mémoire de son géniteur. Ce n’est pas fini. Deux années plus tard, avant son entrée en équipe nationale, Yobouët signait un triplé face aux Stadistes. Insuffisant, toutefois, pour offrir la victoire aux Mimos (3-4). Patron de la phalange offensive des Eléphants jusqu’en 1965, date de son départ pour l’Hexagone, le « Pelé ivoirien »passera huit saisons remarquables avec son club, Montluçon. Laurent Pokou, cinq ans plus jeune que Konan Yobouët, a élevé le niveau atteint par son devancier. Grâce à sa rage de vaincre et sa soif insatiable de buts, l’Empereur baoulé a écrit, à lui seul, un pan entier du football ivoirien. Promu en équipe seniors de l’Asec en 1967, il devient rapidement le bourreau des défenses. Le seul souci de Pokou, étant de mettre le ballon au fond des filets. S’il a marqué une pléiade de buts avec la sélection nationale, les plus célèbres sont ceux de 1968et 1970 en phases finales de la Can. Deux éditions continentales au cours desquelles Pokou a établi le record de meilleur canonnier avec 14 buts dont 9 (neuf) en 1970. Notre confrère Eugène Kacou, qui a suivi le joueur un peu partout en Afrique, garde un souvenir et des émotions intarissables : « Laurent Pokou est le meilleur joueur ivoirien de tous les temps. A lui tout seul, il avait terrassé l’Ethiopie en signant un quintuplé (6-1). Un record jamais battu dans la compétition. C’était fabuleux ! », se souvient l’ancien patron du Conseil national de la presse (Cnp). L’épopée Pokou s’est poursuivie en France, lors d’un périple tardif. Arrivé à 26 ans à Rennes, l’ex-sociétaire de l’Asec s’est incrusté dans l’esprit des Bretons. Grâce à ses prestations inouïes. Lors d’un certain rennes-Saint-Etienne,
il a atteint un niveau de jeu insoupçonné. « Ce jour-là, il a inscrit un but exceptionnel. Pokou s’empare du ballon le long de la ligne de touche, embarque la défense adverse et déclenche un tir croisé dans la lucarne … », raconte Jean Yves Augel, consultant français et admirateur de Laurent Pokou. « En Bretagne, l’Ivoirien est un Duc », ajoute-t-il. En dehors de Yobouët et Pokou, d’autres artificiers ont marqué de leur empreinte, les années 60 à 70. Entre autres, Eustache Manglé dit le Lion, Guédé Emmanuel et Déhi Maurice.
Abdoulaye, Tiéhi, Ahmed et les autres
Dans la décennie 80-90, l’on assiste à l’ascension d’une autre race d’attaquants redoutables. Elle s’installe dans la foulée de celle des Pokou et autres. Elle a pour fer de lance Abdoulaye Traoré. Insolence et efficacité sont ses atouts. Sa technique est un don et sa lucidité devant les buts, une intrigue. Malgré sa petite taille, le joueur qui a fait ses classes au Stella Club d’Adjamé, avant de poser ses valises à l’Asec, transforme toutes les occasions en or. Très rapidement, il devient l’ancrage sur le front de l’attaque des Eléphants. A la Can de 1986, Ben Badi ou le Mouton d’or(pour les intimes), grâce à une tête rageuse, désillusionne le Sénégal(l’un des favoris) des Jules Bocandé François, Oumar Guèye Sène, Thierno Youm, Joseph Koto, Babacar Leconte, Roger Mendy, Pape Fall et Cheick Seck (1-0). En 1992, il participe à la consécration des Eléphants au Sénégal, en inscrivant le premier but de l’équipe dans la compétition. Sans oublier qu’avec l’Asec, il a vécu de grands moments et fait chavirer les cœurs des Actionnaires par ses prouesses techniques et ses buts décisifs. Pour bon nombre d’observateurs, avec son immense talent, Ben Badi méritait mieux que la carrière qu’il a connue.« Il lui a manqué une grande carrière professionnelle. Tout simplement parce qu’il était paresseux »,confiait un dirigeant sportif.Abdoulaye Traoré et Joël Tiéhi constituaient un beau duo sur le front de l’attaque ivoirienne.Tiéhi, formé au Stade d’Abidjan, a connu une belle carrière en France, notamment auHavre avec lequel il a inscrit 25buts au cours de la saison1993. Dans la foulée, grâce àses 14 coups de patte, il a permis au Racing club de Lens(son 2eclub français) de terminer à la cinquième place du championnat français de Ligue 1, en 1994.
Dans la même période, Ahmed Ouattara fait feu de tout bois avec l’Africa en championnat et en coupe d’Afrique. Ils sont champions et remportent la Super coupe d’Afrique. Klinsmann (pour les intimes) avec 26 et 22 réalisations remporte, à deux reprises (1993 et 1994), la palme de meilleur artificier du championnat. Transféré à Sion (Suisse) grâce à son père spirituel, Simplice de Messe Zinsou, Ahmed Ouattara continue de briller. Il marque dix-huit buts, réalise un doublé (championnat coupe) et devient le meilleur joueur africain du championnat suisse. Avec les Eléphants, il termine à la troisième place à la Can 94en Tunisie. L’on retiendra particulièrement son but de toute beauté contre le Mali en match de classement et qui lui a valu les félicitations (s’il vous plaît) du Roi Pelé. Ibrahim Bakayoko qui a fait les beaux jours du Stade d’Abidjan, avant d’atterrir à Montpellier, puis à Marseille, fait partie des grands buteurs de cette nouvelle génération. Pendant quatre saisons, il a inscrit 27buts avec Marseille. En sélection, « Bakus »a aussi fait étalage de sa classe en marquant des buts importants.
L’éclosion de Drogba
La saga Didier Drogba commence au cours de la saison2002-2003, avec Guingamp. Il inscrit 17 buts et se classe 2emeilleur canonnier du championnat. Marseille l’accueille par la suite. L’Ivoirien fait sensation, dispute et perd la finale de la coupe Uefa. Chelsea, l’un des grands clubs anglais, le recrute à 24 milliards de F cfa. Avec ce club, Drogba remporte, en 2012, la prestigieuse Ligue des champions en compagnie de son compatriote, Salomon Kalou. Après Chelsea, Drogba fait un passage éclair en Chine, avant d’opter pour un club turc, Galatasaray. Où, à 35 ans, il continue de faire parler la foudre. Son club est qualifié pour les huitièmes de finale de la Ligue des champions et occupe la deuxième place en championnat. Avec la sélection nationale, Drogba, considéré comme le leader du groupe, sera à sa 3ephase finale du Mondial, en juin prochain, au Brésil. Il en est le buteur patenté avec plus d’une soixantaine de buts. A l’ombre de Drogba, il y a les jeunes pousses aux dents longues telles que Salomon Kalou (le fer de lance de Lille),Yao Kouassi Gervais (la flèche noire de la Roma) et Wilfried Bony (la machine à buts de Swansea).
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